Le tournage d'Adieu, par Herzwerk R.o.D

Introduction

« Herzwerk R.o.D », membre de notre forum, a eu la chance de participer au tournage du clip Adieu le 4 mai dernier, en tant que figurant. Il accepte de partager avec nous cette expérience unique. Merci à lui !

Le compte-rendu d'Herzwerk R.o.D

4 mai 2022

Il est 18h40, je suis au bureau à finir tranquillement un article quand Pommes Frites m'envoie un message : « Visiblement le tournage n'est pas fini ». En lien, un post Facebook disant « dans le cadre d’un clip pour un groupe de metal de renommée internationale, nous recherchons de tout urgence du renfort figuration sur paris et banlieue proche disponible MAINTENANT. Projet full body painting. »

Des groupes de metal de renommée internationale à Paris en ce moment, il n'y en a pas des masses. Et quitte à me retrouver nu dans un clip, autant que ça soit pour Rammstein. J'appelle donc le numéro indiqué et la personne au bout du fil m'explique que beaucoup de figurants leur ont fait faux bond et me propose de la retrouver dans un studio à la Plaine-Saint-Denis. « Quand ? » « Maintenant. » « Mais vous n'avez pas de critères pour être figurant ? » « Non, prends juste une serviette pour te laver après le tournage, car tu seras recouvert de boue pour jouer une âme damnée. » 30 minutes plus tard, j'arrive au studio et elle m'annonce que le groupe en question, c'est Rammstein. « Tu connais ? » « Oui, c'est pour ça que je suis là. » « Tu es fan ? » « Un peu, oui ».

Sans attendre, on m'amène dans une zone où je me déshabille. Je croise un figurant en train de partir qui me met en garde. « C'est l'enfer », me prévient-il. « Il fait froid, ça n'avance pas, on attend depuis des heures, on n'est pas payés, et en plus la musique est nulle. » Ambiance. Au maquillage, je suis recouvert de la tête aux pieds d'argile de différentes couleurs. « Fallait venir cet après-midi, il y avait 150 personnes comme ça en train de danser sur du gros son en buvant des bières, on se serait cru dans Mad Max », me dit le maquilleur. J'apprendrai ensuite qu'il a été demandé aux figurants d'arriver à 10h mais que le tournage n'a commencé que quelques heures plus tard. Précision : on n'est pas complètement nus, la prod' avait prévu des culottes couleur chair.

Dès le maquillage terminé, on me dirige vers le set, où j'entends que ça va tourner. On me dit « vas-y ! ». « Mais je fais quoi ? » « La même chose que les autres. »

Je découvre que le morceau est « Adieu » et que le réalisateur est Specter Berlin, le gars derrière Deutschland.

Le set est une grande salle avec, au centre, une sorte de cage, ou plutôt une pièce d'inspiration médiévale surmontée d'une grille. Le groupe est à l'intérieur, enchaîné. Tout autour, une centaine de figurants jouent les âmes damnées en essayant de les attraper, d'escalader, de tambouriner sur la cage. Certains tirent les chaînes reliées aux poignets des membres du groupe, pour les balancer d'un côté à l'autre de la cage.

Après quelques minutes de tournage, on fait une pause. Je remarque que Pommes Frites est arrivée. Elle a vu les images sur un retour et me dit que ça rend vraiment bien.

Pendant les heures suivantes (on est arrivés vers 20h et ça s'est terminé vers 1h du matin), nous avons alterné les phases de tournage autour de cette « cage » et de pauses. Je me souviens d'une interview où Till disait ne pas aimer les tournages, car c'est surtout de l'attente. Je confirme.

Les périodes de pause sont l'occasion de discuter avec les gens présents, qui sont pour beaucoup jaloux de notre arrivée si tardive, eux qui se sont levé parfois très tôt. Sachant qu'ils n'étaient pas payés, et pas forcément fans de Rammstein (certains savaient juste qu'il s'agissait d'un « projet body paint »), beaucoup sont partis au fur et à mesure. D'où le message publié en urgence (auquel finalement seuls Pommes Frites et moi avons répondu). D'une bonne centaine à notre arrivée, le nombre de figurants est passé à 30 ou 40 à la fin du tournage – surtout des fans, forcément.

Une autre personne qui aurait peut-être aimé rentrer chez lui est Specter, qui était un peu sur les nerfs (on a entendu dire qu'il y a eu trois jours de tournage, avec 18h de taf par jour) et a plusieurs fois hurlé sur les figurants. Concrètement, il disait à des membres du staff ce qu'il voulait qu'on fasse, puis eux venaient nous le dire, sauf que parfois les indications étaient contradictoires, ce qui l'agaçait. Un des figurants, apparemment habitué des plateaux, lui a expliqué que ce n'était pas de notre faute si les infos étaient contradictoires et lui a demandé un peu de respect.

Évidemment, raconté comme ça, ça ne fait pas vraiment envie et semble plutôt fastidieux. Je comprends qu'une partie des gens qui ne connaissaient pas le groupe soient partis. Mais pour Pommes Frites et moi, fans de longue date, c'était une expérience incroyable.

D'abord, car nous avons a pu découvrir les coulisses d'un clip, voir comment ça se passe, récolter quelques informations, nous promener sur le set et avoir un aperçu en avant-première de la production : les décors, les costumes, le maquillage, le scénario… Contigus à la grande salle où nous nous trouvions se trouvaient deux autres lieux de tournage que je suis allé zieuter : le premier représentait un vaisseau spatial (ou un labo ?) avec des caissons de cryogénisation et des lance-flammes. Le second était une salle avec un trampoline géant, sur lequel des figurants triés sur le volet et masqués devaient sauter et faire semblant de tomber, touchés par les tirs « d'agents spéciaux avec des sortes de tuyaux rouges dans les cheveux » m'a dit un des heureux élus (après coup, difficile de ne pas penser à Angst!).

Au-delà de l'aspect technique, il y a aussi, et surtout, la proximité avec le groupe. D'abord lors des scènes, puisque nous n'étions qu'à quelques centimètres d'eux lors des séquences tournées, ce qui permettait des petits échanges de sourires, d'incompréhensions (Oli qui ne comprenait pas pourquoi on ne tirait plus sa chaîne et essayait de nous faire discrètement signe de le faire, alors que Specter avait dit non), la poignée de main de Doom qui est venu saluer les figurants qui étaient derrière lui… Pendant les pauses, qui pouvaient parfois durer longtemps (on a eu des croque-monsieur pour nous rassasier), le groupe n'était jamais loin non plus. L'occasion pour nous de confirmer ce que l'on sait déjà : Oli est un Dieu grec, Doom est un DILF, Paul est super cool, Flake est Flake, Richard fume comme un pompier et Till est à la fois très cool (il se baladait beaucoup parmi les figurants, et pas que pour baisser leur slip) mais aussi chelou (il a défoncé un mur de la « cage » d'un coup de poing sans qu'on comprenne pourquoi, si c'était par plaisir de casser ou sur un coup de colère).

Petite déception : nous n'avons pas parlé du tout avec le groupe. Je n'ai pas osé les aborder directement pour leur dire des banalités, car je me suis dit que ça pourrait se faire naturellement, par exemple, si on se retrouvait côte à côte lors d'une pause. A froid, c'est un regret ; car on aurait sans doute pu leur dire bonjour. Certains figurants l'ont fait, dont un qui tenait la grappe à certains membres du groupe sans se rendre compte que ça avait l'air de les emmerder (c'est une des raisons qui fait que nous ne sommes pas allés vers eux : « a-t-on envie d'être ce fan-là ? », m'a demandé Pommes-Frittes, alors que Paul lui jetait des regards désespérés). Le pire dans tout ça, c'est que quinze jours après, à l'aftershow du concert de Leipzig, j'ai dit bonsoir à Paul, mais en oubliant de lui dire que j'étais sur le tournage.

Vers minuit est arrivé – enfin ! - le tournage de la dernière scène du clip. Le groupe a réussi à briser ses chaînes ou à vaincre la mort et est debout sur la cage, à cinq ou six mètres au-dessus du sol (un manager était en PLS car il trouvait ça trop dangereux ; au bout d'un temps infini à l'entendre demander de rajouter des grilles, Paul a dit « c'est assez solide, on monte »). Nous crions tous « Rammstein ! » et Oli lève les bras en croix. C'est un peu ridicule, mais ça correspond bien à la rumeur que le staff a fait circuler sur le tournage : « c'est le tout dernier clip du groupe, ! »

Une fois le clap de fin clapé, les survivants du tournage posent avec le groupe pour une photo souvenir. Il nous a été donné la possibilité de nous faire dédicacer un objet, mais vu que je venais directement du boulot, je n'avais évidemment rien. Je me prépare donc à partir, mes vêtements pleins d'argile (il n'y avait pas de douche, juste un jet sur le parking : il faisait froid et nuit, donc j'ai passé mon tour) quand la responsable du casting me dit : « toi, je sais que tu es fan, mais tu ne dis rien à personne ! Tu as signé une clause de confidentialité, je te le rappelle ». Ah non, j'ai rien signé du tout. « Pardon ? » « Ben non, dès le maquillage on m'a envoyé sur le set. » Vu qu'il est tard, elle me dit qu'elle m'enverra tout ça sur Facebook. Ça sera le cas… au mois d'août, au moment où ils se sont rendu compte qu'il leur manquait mon autorisation de cession de mon droit à l'image. Finalement, je n'ai jamais signé de clause de confidentialité, mais j'ai tenu ma langue.

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