Présentation

Nos collègues de Feuerräder.pl ont réalisé une interview de Pomerania 1945, une association polonaise de reconstitution historique, qui a participé au tournage du clip Deutschland. L'interview est disponible ici en polonais, anglais et allemand. Pour la traduction en français, ça se passe ci-dessous !

Interview

C'était en janvier, il faisait mauvais temps, je roulais en voiture et le téléphone a sonné. L'écran a affiché : "Albert Neumann P1945". Avec Albert, nous nous connaissons depuis des années et nos associations, Die Freiwilligen et Pomerania 1945, travaillent en étroite collaboration.

- Dietmar ? Ai-je entendu au téléphone.

- Écoute, un ami en Allemagne m'a filé un tuyau et il y a une possibilité de jouer dans un clip tourné à Berlin dans deux semaines pour un groupe de rock allemand connu… 8 personnes de ton association sont nécessaires.

- Quel groupe de rock ?

- Je ne peux pas te le dire…

- Allez Albert, dis-moi, c'est un groupe qui commence par "R" ?

- Ne le dis à personne, personne ! Parce que je vais t'arracher la tête ! Les autres ne le sauront que quand ils seront dans le bus.

- OK, allons-y !

Le reste des événements s'est déroulé rapidement. Nos plans, les vacances, les fêtes de famille - tout a cessé d'avoir une importance et a été supprimé de nos calendriers. Six d'entre nous : Dietmar Kuptz, René Grzenkowicz, Szymon Poredo, Thomass Woerle, Tomasz Wylamowski et Arkadiusz Telak ont décidé en quelques secondes : nous irions. De Pomerania 1945 étaient présents Albert Neumann, Francesco Giacomelli, Jan Majewski, Szymon Szewczyk, Henryk Kaźmierczak et Bogumił Gierlotke. Tout d'abord, nous nous sommes rendus à Poznań, où il a été confirmé que le clip était bien de Rammstein. Puis nous sommes allés plus loin, à l'inoubliable hôtel Amadeus de Berlin. Nous avons été emmenés par un bus apprêté par l'équipe de tournage. Je n'ai pas besoin d'ajouter que nous écoutions la seule musique appropriée pour un tel voyage, et la phrase la plus souvent répétée était : "Je me demande de quoi parlera la vidéo". Nous ne savions pas quoi emporter comme équipement, donc nous avons tout pris. Pour certains, cela signifiait partir de la maison avec plusieurs grands sacs et valises pleins d'uniformes et d'accessoires.

Nous nous sommes rendus tôt le matin sur le plateau (le premier jour le tournage a eu lieu dans les ruines d'un monastère) et nous avons vite compris pourquoi un tournage est considéré comme si épuisant : attendre, attendre et encore attendre. Au bout de plusieurs heures, nous avons enfin reçu une consigne : "habillez-vous". Au début, nous pensions que nous ne jouerions que des soldats allemands - nous y étions préparés - mais nous avons vite appris que si nous le voulions, nous pourrions jouer des rôles et des personnages complètement différents. Et là, nous avons vécu le premier choc : il s'est avéré que le film comprendrait des moines médiévaux, des forces spéciales de la Polizei, des chevaliers médiévaux, des uniformes de l'époque DDR… Tout ce qu'on a fait se résume ainsi : être sur le plateau et changer de costume. Restait la question de savoir comment (et si) le groupe allait assembler le tout de manière cohérente. Nous avions plusieurs théories : peut-être que ce sera une vision narcotique de quelqu'un qui mentionne le passé, peut-être des souvenirs d'une vie passée, des pensées et des hallucinations d'un soldat mourant…

La beauté noire (l'actrice, ndlr) était tout aussi mystérieuse - nous l'avons d'abord vue dans une armure de chevalier, ce qui en soi a provoqué des questions. "Est-ce qu'on tourne un film fantastique ?" Les uniformes allemands de la Seconde Guerre mondiale étaient encore rangés dans nos valises.

Nous avons travaillé jusqu'à tard dans la nuit. En plus des scènes dans l'ancien monastère (nous jouions le rôle de moines), nous avons également participé à des scènes dans une véritable prison, maintenant fermée, dans le centre de Berlin (le rôle de prisonniers rebelles). Je dois dire que les scènes de prison étaient assez excitantes et qu'elles donnaient également beaucoup de réconfort. Lorsque nous sommes rentrés à l'hôtel le matin, nous étions gelés et très fatigués - tout comme les membres du groupe, qui ont été sur le plateau jusqu'à la toute fin.

Le lendemain matin, nous avons appris qu'il fallait des hommes en uniforme SS, nous avons changé nos vêtements pour ceux de la Seconde Guerre mondiale et nous avons marché avec l'équipe de tournage sur le rythme militaire : Links ! Links ! Links ! Il fallait voir l'expression du visage de Till Lindemann quand il nous voyait défiler en uniforme… Le plateau était situé dans une usine abandonnée et voilà une autre anecdote : ceux d'entre nous qui connaissaient le passé du réalisateur de la vidéo (Specter) et savaient qu'il était le fondateur du label Aggro Berlin, ont immédiatement reconnu ce lieu caractéristique de clips de rappeurs allemands tels que SIDO, FLER ou B-TIGHT.

Au bout d'un moment, nous avons vécu un véritable choc. Au milieu du lieu où se trouvait le plateau de tournage, il y avait une potence avec quatre cordes. Quand un de nos collègues l'a vu, il a dit tout haut ce que tout le monde pensait tout bas : "Je fais ça depuis des années, j'ai fait partie de nombreuses mises en scènes, mais rien n'a jamais été aussi violent." À l'époque, en filmant les scènes de la potence, nous ne savions pas quel rôle elles joueraient dans l'ensemble du clip, mais nous savions une chose - rien n'est simple et sans ambiguïté dans le travail de Rammstein. Nous pouvions être sûrs qu'il s'agirait d'une provocation controversée, dont le but ultime était de forcer le spectateur à réfléchir aux scènes qu'il avait regardées, mais nous ne savions toujours pas dans quel contexte les scènes si brutales et qui montraient les pires moments de l'histoire allemande seraient utilisées. Pendant le tournage de ces scènes, nous nous sommes un peu rapprochés du groupe - il faisait froid, donc pendant les pauses et en réchauffant les mains devant le feu, Till a offert à tout le monde… de la vodka Absolut. Le feu - et l'eau de feu - rapprochent les gens… Ce fut également le cas cette fois-ci. Grâce à ces petits gestes, nous nous souviendrons de ce travail sur le plateau comme d'une expérience unique. Les membres du groupe se comportaient comme des gens ordinaires, ils étaient même un peu gênés par leurs assistants harcelants. Il s'est avéré que les enregistrements ne se termineraient pas en deux jours comme prévu, et se poursuivraient jusqu'à tard dans la nuit. Cependant, il était temps pour nous de rentrer chez nous. Le moteur du bus chauffait. Certains des collègues, y compris les gars de Pomerania, sont restés pour la fin des enregistrements. Ils filmaient un immense champ de bataille, un bûcher ardant et des émeutes dans une période indéterminée de l'histoire, dans une autre ville allemande. Dans la nuit, alors que le bus brûlait (scène d'émeutes), vers 3 heures du matin, Specter a crié "C'est dans la boîte, merci tout le monde", les gens ont crié, acclamé et récompensé l'équipe avec des applaudissements. L'équipe de tournage et du groupe ont remercié les participants en leur serrant la main, en personne ! Avant de partir, nous avons regardé autour de nous à la recherche des membres du groupe. Quand le chanteur Till Lindemann nous a dépassés, nous étions sans voix, il était vêtu d'une armure de chevalier, trouée de quelques épées - son regard combiné à la fatigue sur son visage nous a fait une impression électrisante. Nous avons eu des autographes, on nous a souhaité bon voyage et nous sommes rentrés chez nous de manière mouvementée. En fait, nous ne croyions pas vraiment ce que nous avions vécu au cours des deux derniers jours.

En nous rendant sur le plateau, nous étions assez confus et ne savions pas à quoi nous attendre. Sur le chemin du retour, nous étions complètement perdus. Comment tout s'assemble ? Que signifie tout cela ? Nous avons essayé d'émettre différentes hypothèses, en nous référant à la chanson "Deutschland" qui a été jouée plusieurs fois sur le plateau (oui, nous avons entendu la chanson dès janvier), mais nous n'avons pas pu trouver de scénario cohérent. Il a fallu attendre la première.

L'atmosphère était devenue lourde quelques jours plus tôt, lorsque le groupe a publié le teaser - comme il s'est avéré plus tard, ces images apparaissent en fait dans le générique du clip de 9 minutes. Comme vous le savez, les médias se sont emballés, Rammstein a été accusé de ridiculiser l'Holocauste, de manquer de respect envers l'Histoire et même d'insulter la mémoire des victimes. Le 28 mars à 18h10, après avoir visionné le vidéoclip, tout est devenu clair. Le groupe a une fois de plus utilisé la tendance des gens à généraliser et stéréotyper. La vidéo s'est avérée être une représentation unique de l'histoire allemande, avec comme thème "je ne peux pas te donner mon amour" en raison du passé difficile de cette nation. Nous ne cacherons pas que la plupart de nos collègues sont de grands fans de Rammstein, et la participation à l'enregistrement du clip "Deutschland" fut la plus grande aventure de notre vie ! Nous avons vécu une expérience unique pour le reste de notre vie, et même à titre posthume… Ce fut une belle surprise de voir nos noms dans le générique final du clip. En plus de nos deux associations, la vidéo mettait en vedette nos collègues des associations de reconstitution historique : Dragoner, Bellum, Maienburg152IR, Rogatywka 1918-1939 et Erhard M17. Ils ont joué le rôle de soldats de l'armée impériale allemande de la Première Guerre mondiale.

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